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Une épopée oubliée 

La tentative de colonisation française en actuelle Nouvelle Zélande

De Torcé en Vallée à la Nouvelle Zélande et au USA : les pérégrinations de la famille » Gendrot.

 Une tentative avortée

          Les baleiniers souhaitaient depuis longtemps un port d'attache pour relâcher en l’actuelle Nouvelle Zélande. La péninsule de Banks dans l’Ile du Sud avec une profonde baie issue du cratère d'un ancien volcan était idéale. Le capitaine Langlois habitué des mers du sud et futur commandant du bateau «Comte de Paris» avait acheté la majorité de la péninsule de Bansk , le 2 août 1838 pour 1000 francs aux Maoris dont un acompte de 150 francs comprenant: deux manteaux, six pantalons, douze chapeaux, deux paires de chaussures, un pistolet, deux chemises: pas cher payé.

          Le projet de colonisation eut du mal à prendre forme, le gouvernement de Louis Philippe évitant de contrarier les Anglais toujours susceptibles. Différents groupes soutenaient le projet : les armateurs, la Franc Maçonnerie, très active dans le milieu maritime, l’Église Catholique qui avait envoyé un vicaire apostolique dans l'Ile du Sud Mgr Pompallier etc .. Le projet pris forme avec le soutien du Maréchal Soult et surtout du très riche ministre de Louis Philippe le duc Decazes. Le soutien politique et financier arriva enfin mais on connaît la suite, l’échec du projet : la «Perfide Albion» veillant, l’Île du Sud ne sera jamais française.

D’après Robert Sinsoilliez, auteur de « l’expédition des Normands en Nouvelle Zélande », 63 candidats colons dont 8 Allemands s’embarquèrent sur le « Comte de Paris » qui parti de Rochefort le 20 mars 1840 pour arriver le 10 août 1840 à la destination : la baie de Akaroa. Mais entre temps la Couronne Britannique avait proclamé sa souveraineté sur les îles. Avec des espions infiltrés partout et en particulier dans les milieux maritimes, les Britanniques étaient au courant des projets des Français et bien décidés à empêcher le début du commencement d’une colonisation française. Après nombre de péripéties, des difficultés avec les Anglais, des relations quelquefois rugueuses avec les Maoris, les migrants n’eurent d’autres choix que de devenir des sujets de « Sa Gracieuse Majesté », sauf un très petit nombre qui revinrent en France.

Un acteur local : la famille Gendrot

           La famille Gendrot habitait le Palais à Torcé en Vallée, route de Lombron, aujourd'hui rue des Rosiers. Mme Laure Levacher dans son livre « Torcé en Vallée domaine de la Tour et de Notre Dame » dit que cette famille habitait déjà là en 1687. Il était selon des écrits, lieu de justice d'une Châtellenie de la famille Boisnay seigneurs de Courparent au 16ème siècle. La tradition historique veut que c'est dans cette maison du 16ème siècle que se reposa Louis XIII lors de son pèlerinage a Notre Dame de Torcé . Une pièce d'or à l'effigie de ce roi fut trouvée en 1840, scellée dans un mur, ce qui tendrait à confirmer la venue de Louis XIII .

Maison de Torcé en Vallée

Or un membre de la famille Gendrot ; Pierre avec femme et enfant, fit partie en 1840 de l’équipée racontée ci dessus. On peut tenter de trouver localement les motivations des migrants en situer le cadre et les comprendre ainsi.

La mère de famille Julienne Trotin (ouTrottin) veuve Gendrot décéde le 13 mars 1840 au «Palais» à Torcé, elle était née le 5-1-1767 à Moncé en Belin de parents mariés à Savigné l'Evèque en 1753, et elle s'était mariée à Hilaire Gendrot le 11 novembre 1795 à Sillé le Philippe. Déjà la famille bougeait un peu.

Le 11 avril 1841 a lieu la vente des biens mobiliers de la veuve Gendrot par Maitre Segouin notaire à Torcé en Vallée au lieu du Palais à Torcé au profit des cinq enfants :

    - Louis Gendrot (1803-1879) maçon à Torcé agissant pour lui et comme mandataire des deux suivants

    - Pierre Gendrot ancien cabaretier à Torcé puis à Paris au «78 rue Mouffetard» et «maintenant en voyage pour la Nouvelle Zélande» précisent les actes

    - Hypolite (sic) Gendrot boulanger à Paris,et également «en partance pour la Nouvelle Zélande»

    - Julienne Gendrot épouse de Théodore Beaugé maître tailleur à Paris ayant donné procuration à Gérault Louis Richard propriétaire à Sillé le Philippe

    - Théophile Gendrot tisserand à Torcé (1809-1856)

          La procuration pour Louis Gendrot comme mandataire de ses frères Pierre et Hypolite en partance pour la Nouvelle Zélande est signée le 20 mars 1840 à Rochefort (Charente Inférieure à l'époque) devant le capitaine Langlois commandant le trois- mâts français « Le Comte de Paris » et le sieur A. Chessé, courtier maritime patenté et assermenté près de la Bourse de Commerce de Rochefort ». Les deux frères donnent tous pouvoirs pour régir, gérer et administrer tous leurs biens etc etc.. Ce long document est dit « fait en mer à bord du trois- mâts Comte de Paris . Le 22 mars 1840 le maire de Rochefort « certifie que le présent lui a été remis par Mr Chessé courtier de navire, l'un des témoins signataires et que ce navire était sur le point d'appareiller quant le Capitaine Langlois a reçu l'invitation de communiquer aux frères Gendrot la lettre de Mr le maire de Torcé et que l'acte ci-dessus a été rédigé pendant que le navire sortait du pertuis pour prendre la grande mer » . C'est ce qui s'appelle une urgence absolue mais permet de donner la date du départ. Remarquons la rapidité des démarches car Mme Julienne Gendrot Trottin la mère était décédée le 13 mars.

 Les migrants

          Les Gendrot semblent sur plusieurs générations être étrangers aux métiers de la terre, ils sont marchands, tisserands maçons boulangers etc .

  - Pierre Gendrot est cité comme tisserand en 1826 puis cafetier à Torcé en 1833 et 1834 avant de s'installer cabaretier rue Mouffetard à Paris dans l'année 1839. Né le 8 mai 1800 à Torcé, il se marie en première noce en 1825 à Thérèse Vallée (1805-1831) d'où un fils Marin Pierre qui ne le suivra pas en Nouvelle Zélande, mais émigrera à l'âge adulte au USA (voir plus loin). Veuf Pierre Gendrot se remarie le 8 novembre 1831 à Villaines la Gosnais à Anne Victoire Brière d'ou

  - Anne Victoire (1833-1834 à Torcé),

  - Clémence Rosalie née le 18-12-1834 à Torcé, à cinq ans et demie elle partira en Nouvelle Zélande, -Léontine Marie née le 12-1837 décédée le 28 mars1838 à Torcé,

  - Joséphine Gendrot née à Akaroa (NZ)en1846.

  - Hypolite Gendrot (1805-1874) boulanger à Torcé, à Bonnétable (rue Royale ) puis à Paris;il se marie en 1830 à Anne Gabrielle Allain et ont eu deux enfants en 1832 et 1833 à Torcé. Or il part seul aux antipodes en 1840 : veuvage, mort des enfants ou autre situation???

  -  Clémence Rosalie Gendrot (1834-1908) se mariera à Akaroa (NZ) le 12-02-1850 à Joseph Lucien Libeau (1834-1919), fils d'un migrant du «Comte de Paris». quatorze enfants naîtront de cette union

 Joseph Libeau père de Joseph Lucien était né le 8-08-1807 au Loroux Bottereau en Loire Atlantique actuelle. Marié deux fois il a eu 21 enfants dont Armand Isidore né sur le bateau le 23-04-1840 dans l'Atlantique Sud et mort à Akaroa le12-04-1842. La vie d'aventures peut être dure.

Une deuxième fille Joséphine (1848- 1902) naîtra donc en Nouvelle Zélande . La mère Anne Victoire Brière va décéder à la suite de cette naissance. Joséphine se mariera avec le fils d'un autre émigré, Pierre Samuel «dit Peter» David (1843-1900) .

Les descendants de Joseph Libeau père se sont regroupés dans une association très active la« Libeau Descendants Society» siégeant à Canterbery, en Nouvelle Zélande;elle compte environ 3500 membres en Nouvelle Zélande et trente en France, une petite fille Libeau étant revenue en France . Un «festival français» a lieu tous les deux ans à Akaroa .

Les difficultés de Pierre Gendrot à Torcé en Vallée

          L'examen des archives notariales de Maître Segouin, malheureusement incomplètes permet d'appréhender les raisons de son départ vers la Nouvelle Zélande: en clair «mettre une distance certaine entre lui et ses créanciers» , le notaire parlant dans un de ses actes daté du 5 novembre 1840 «le sieur Gendrot étant tombé dans un état de déconfiture».

Un conseil de famille réuni le 23 février 1839 par le juge de paix de Montfort avait nommé Marin Vallée organiste demeurant à Marolles les Braults tuteur du jeune Marin Pierre Gendrot, l'enlevant à son père biologique. A noter qu'un autre oncle Louis Marie Vallée est dit garde champêtre et organiste à Torcé en Vallée dans les actes. Les frères et sœurs de Thérèse Vallée première femme de Pïerre Gendrot voulaient régler la succession des parents Vallée et garantir les droits de leur neveu. On apprend ainsi que cette famille avaient des aptitudes artistiques, puisque 2 de ses membres étaient organistes. D'ailleurs l'église Notre Dame de Torcé, lieu de pèlerinages immémoriaux, possède toujours un orgue d'origine Renaissance. La charge d'organiste fut occupée au 18 eme siècle par une famille Lemarié.

Cette tutelle de l'oncle explique pourquoi Marin Pierre ne suivit pas son père en Nouvelle Zélande.

Pierre Gendrot avait acheté la maison de ses premiers beaux parents Vallée plus une deuxième pour créer un café, avec réalisation d'une salle de billard et ouverture d'un porche. Peut être ces investissements expliquent ils les difficultés du futur immigrant . Le 5 novembre 1840 un acte notarié de quarante quatre pages clôt les créances de Pierre Gendrot par un accord entre créanciers.

Comme souvent chez les immigrants Pierre Gendrot va faire plusieurs métiers à la fois, suivant les actes on le voit cultivateur, charpentier boulanger, boucher, scieur de long à Akaroa; Il va y construire une maison. Quant à Hippolyte Gendrot il gagnera là-bas le nom de Trincfort : tout un programme.

 Les Gendrot aux USA

          Marin Pierre Gendrot fils de Pierre et de sa première femme Thérèse Vallée naquit le 19 mars 1826 à Torcé en Vallée. Il ne suivit donc pas son père en Nouvelle Zélande. Après une formation artistique il s'embarqua pour New York en 1847 puis s’installa à Boston, revient en France puis se marie à Sillé le Philippe avec Anne Marie Bigot le 9-07-1859, acte où il est dit sculpteur « son père étant absent depuis vingt ans». Il retourne aux USA où ses enfants naîtront. Il reviendra à Torcé en 1885 pour y mourir en 1891 et laissera dans son village natal des sculptures à la maison dite "du Godet"

Son fils Félix Albert va naître à Cambridge, Massachusetts (USA) le 28 avril 1866 . Il va mener une carrière artistique peintre sculpteur et professeur aux USA , mais reviendra régulièrement à Torcé et y fonda une œuvre de bienfaisance . Il a laissé un ouvrage inédit «Mosaïques d'histoires de la commune de Torcé» disponible aux A D.

Veuf de Almira Blake, il est mort à Torcé le 4 octobre 1955 . Sur Internet on peut voir quelques unes de ses œuvres. Il aura maille à partir avec l'armée française qui voulut lui faire faire son service militaire alors qu'il se considérait comme citoyen américain, il fallut une intervention de l'ambassadeur US pour régler le problème .

Il avait une sœur, Julia Alexandra née à Cambridge USA en 1861 et décédée au Mans le 03 09 1925.

Toute cette branche familiale est inhumée à Torcé ou une rue Gendrot perpétue leur mémoire.

NB : Julienne Trotin vve Gendrot était descendante de Jean Trottin marié le 07 11 1645 à Marie Lenoir à St Saturnin, « mestayer à moitié » de la métairie de St Cher à Beaufay appartenant alors à Marin Ameslon de St Cher ,magistrat au Mans. Jean Trottin mort à Beaufay le 21 01 1679, est ascendant du compositeur Jean Françaix né au Mans, et de l'auteur de ces lignes

Georges Bigot N° CGMP 1743

Sources :

Archives notariales de Mtre Segouin notaire à Torcé en Vallée ADS

_Laure Levacher-Renoult: Domaine de la Tour et de Notre Dame édité en 1983

-Robert Sinsoilliez: l'expédition des Normands en Nouvelle Zélande, éditions Charles Godet

-correspondance avec Mme Anne West descendante de la famille Gendrot

-correspondance avec Mr Peter Tremewan, ancien professeur à l'université de Canterbury (NZ) qui mène des recherches sur l'origine et les motivations de l'émigration en Nouvelle Zélande

_PHOTOS issues entre autres d'un calendrier de «The Libeau Descendants Sociéty» et de«Akaroa Muséum»

 

 

 

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