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En 1768 à Pontlieue un inventaire de laboureur

   « avec la présence de pomme de terre et de maïs »   

 

Par  Monsieur Georges BIGOT

          Le 8 février 1768 Mtre Faribault notaire au Mans procède à l'inventaire après décès des biens mobiliers de la succession de feu Françoise Hervé épouse de Sébastien Pouriau, à la métairie de la Fuye paroisse de Pontlieue. La Fuye, située a une proche distance à l'est de l'actuelle église Saint Martin de Pontlieue était une métairie possession de l'abbaye de la Couture au Mans. D'une superficie de moins de 30 ha, elle sera vendue bien national lors de la Révolution à la famille Bérard célèbres industriels du textile de Pontlieue.

          Françoise Hervé née à Saint Ouen des Fossés (Le Mans) le 12-04-1712, de Mathurin Hervé et Madeleine Guyet, se marie au même St Ouen des Fossés le 2 avril 1733 avec Jacques Pouriau (ou Pourriau, orthographe variable) dont elle aura une fille Marie, mariée le 24 février 1756 à Joué l'Abbé avec Julien Duluard marchand vigneron à Savigné l'évêque. Elle devient veuve avec le décès de Jacques Pouriau le 6 février 1741 à St Ouen à l'âge de 36 ans et se remarie le 28 août 1741 à St Ouen avec Sébastien Pouriau (pas de parenté proche avec Jacques en lignée agnatique)

          Lors du mariage de sa fille Marie avec Julien Duluard le 24 février 1756 à Joué l'abbé, elle et son deuxième mari Sébastien Pouriau, sont fermiers de la métairie de la Gaumerie à Joué l'Abbé, propriété elle aussi de l'abbaye de la Couture . Il y avait sans doute une fidélité entre les moines bénédictins et ces fermiers qui avaient sans doute acquis leur confiance par leurs capacités professionnelles, la métairie de la Fuye étant plus « profitable » par sa proximité du Mans que la Gaumerie, située sur des argiles lourdes et humides de Joué.

          Le couple Sébastien Pourriau et Françoise Hervé aura une fille Jeanne mariée avec Pierre Jourdan le 14 janvier 1769 à Pontlieue. Quant à Sébastien Pourriau (né le 23 avril 1715 à Yvré l'Evêque ) il va se remarier le 18 juin1771 à Changé avec Louise Legeay.

L'inventaire du 8 février 1768.

          Cet acte par son contenu révèle une exploitation d'une certaine importance et aussi le dynamisme de ce couple de métayers, certainement à l’affût des nouveautés agricoles de l'époque comme la « pomme de terre ou le maïs ».

          Les « trouffes » ou pommes de terre (termes de l'acte) sont présentes pour 12 boisseaux soit environ 250 litres (ce qui n'est pas marginal) évalué par le sieur Mongazon estimateur à 3 livres 12 sols, et le blé de Turquie (maïs) avec 61 boisseaux est évalué à 24 sols le boisseau pour 73 livres 40 sols . Or quelques années plus tard en janvier 1773, Dom Chevreux supérieur des Mauristes de l'abbaye de Saint Vincent du Mans fait un rapport sur l'utilisation et la fabrication de « pain de pomme de terre » lors d'une séance du bureau d'agriculture en novembre 1768. Devant le même bureau d'Agriculture Mre Blanchardon qui fut « maître particulier des eaux et forêts du Maine » avait déjà fait un rapport sur le même sujet. Que les moines Mauristes du Mans s’intéressant à la culture de la pomme de terre aient influencé le couple Pouriau pour se lancer dans cette novation est possible, et l'inventaire prouve par d'autres aspects que ces fermiers étaient dynamiques. Ceci montre aussi que la légende dorée de Parmentier initiateur de la culture de la pomme de terre (après 1771) n'est qu'une image d’Épinal, au moins pour notre région.

          Mr Benoit Hubert 1 dans une étude publiée en 2016 montre que ce tubercule apparaît très modestement à partir de 1750 dans les sables au sud et sud est du Mans mais c'est après la grande disette de 1770-1771 que ce tubercule connaît une vraie expansion . Notre couple est donc pionnier mais l'inventaire des stocks restant en février montre une grande diversité. Or Sébastien Pouriau déclare « avoir amené dans la ville du Mans » 6 boisseaux de blé, 3 de seigle etc. Ce qui montre que ce laboureur vendait des produits agricoles sur Le Mans y compris peut être des pommes de terre par ailleurs déjà utilisée pour l'alimentation du bétail.

Un inventaire intéressant

          L'inventaire du mobilier de la maison est assez classique si ce n'est l'importance de la vaisselle en étain, (d'un poids total de 66 livres et estimée à 59 livres 8 sols), la présence d'un fusil et de ses « poires à poudre » rare chez les roturiers, de lits à colonne et d'un « petit miroué encarré de bois » (un miroir). Par contre, l'inventaire des greniers et dépendances relève outre les trouffles, d'importants stocks :

- 118 boisseaux de blé froments estimés par le sieur Thoury maître meunier à Pontlieue, à 42 sols le boisseau soit  : 247 livres 16 sols

- 48 boisseaux de seigle à 27 sols le boisseau soit : 64 livres 16 sols

- 50 boisseaux de blé méteil, (mélange blé/seigle) à 29 sols le boisseau soit : 72 livres 10 sols

- 24 boisseaux de petits blés à 15 sols le boisseau soit : 18 livres

- 14 boisseaux de vesce à 22 sols le boisseau soit : 15 livres 8 sols

- 23 boisseaux de blé noir (sarrasin) à 23 sols le boisseau soit : 17 livres 5 sols

- 6 boisseaux de fèves à 40 sols le boisseau soit : 12 livres

- 30,5 boisseaux d'orge à 24 sols le boisseau soit : 36 livres 12 sols

- 61 boisseaux de blé turquin (maïs) à 24 sols le boisseau soit :  73 livres 40 sols

 ce qui montre la forte implantation du maïs dans les sables

- 13 boisseaux de chènevis à 26 sols le boisseau soit : 16 livres 18 sols

- 2 boisseaux de mil en coque soit : 4 livres

          Plus étonnant est l'importance du stock de « poigs » certainement des haricots, et surtout la diversité : 8 « variétés » sont citées : poigs jaunes, rouges, blancs, gris, poigs gras, poigs  galédains, poigs de 40 jours et poigs rongs estimés selon les variétés de 30 à 36 livres le boisseau pour un total de 73 boisseaux pour une valeur de 120 livres

          Cette importante quantité de haricots était sans doute due à la clientèle de la population mancelle toute proche.

          Cette grande variété de plantes cultivées est à remarquer.

Le cheptel

          Il est estimé par le sieur Papin marchand et « médecin ordinaire du bestail » de la paroisse de la Guierche.

-2 bœufs sous poils bruns et cornes blanches de 8 ans pour :  245 livres

- 2 bœufs sous poils bruns et blancs de 9 ans pour :  220 livres

- 2 bœufs « bruns et rouges » de 7 ans pour  : 200 livres

- 2 vaches sous poils bruns et rouges de 5 ans pour :  108 livres

- 2 génisses pour : 44 livres

- 2 torres (taures) sous poils bruns pour : 60 livres

auxquels il faut ajouter :

4 chevaux et une « cavalle » (jument de selle) tous avec collier et équipage

plus un jeune poulain de deux ans.

Un poulain de deux ans sous poils gris : 30 livres

Un cheval sous poils rouge de 4 ans avec équipage :  39 livres

4 brebis et deux agneaux : 38 livres

2 cochons mâle et femelle  : 45 livres

Une charte (charrette) avec ses équipages : 100 livres

Une charte avec échelon  : 50 livres

2 charrues avec équipage  : 33 livres

2 civières roulantes  : 5 livres

 4 brebis 2 agneaux et 2 cochons mâle et femelle pour  :30 et 45 livres.

          Cette importante présence d'animaux de trait auquel il faut rajouter 2 charrues avec équipages pour (33 livres) et deux « chartes » (charrettes) avec équipages (pour 150 livres) laisse supposer que le laboureur Pouriau était aussi prestataire de service ou « entrepreneur de travaux agricole » pour son entourage rural dans les labours, transports ou charrois.

Cet inventaire montre un couple de laboureur dynamique qui intègre dans ses cultures, ces plantes d'origine amérindienne (maïs, haricots, pomme de terre) qui vont être une des composantes de la révolution agricole qui se met lentement en place en cette 2è moitié du 18è siècle. La rotation des cultures liée à cette évolution va améliorer les rendements surtout que dans ce cas l'importance des haricots (légumineuse) par l'enrichissement des sols en azote et nitrates qu'elle permet ne peut qu'améliorer les rendements des cultures.

 1     Benoit Hubert « truffle, pomme de terre… dans le haut Maine dans la seconde moitié du 18è siècle. Mémoires 2016 de la S.A.S.A. (Société d'agriculture Sciences et Arts) .

En 1768 a pontlieue un inventaire de laboureur tres instructif

 

 

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